L'auteur et essayiste américain David Foster Wallace a été trouvé mort en fin de semaine. Suicide. Il avait 46 ans.
Très touché en apprenant
la nouvelle, hier soir. Comme si c'était un ami qui était mort, plutôt qu'un lointain auteur avec une affection particulière pour les notes de bas de page. D'abord parce que que DFW était un écrivain extrêmement doué, certainement l'un des plus grands de sa génération. Le mot
génie est trop souvent utilisé, de nos jours, alors je ne l'emploierai pas. Mais il ne fait aucun doute qu'il était doué d'une intelligence bien au-dessus de la moyenne, couplée à un sens de l'humour irréprochable et à une connaissance et un amour de la culture populaire comme on n'en voit que trop rarement, dans le milieu littéraire. Et son talent pour l'écriture en tant que telle était unique; il avait une capacité à faire des phrases longues et complexes qui, pourtant, coulaient le plus naturellement du monde. Avoir le quart de son talent serait déjà être dans une classe à part.
Mais le fait que sa mort soit un suicide la rend encore plus difficile à prendre. On savait que Foster Wallace était triste, souvent dépressif; mais en ce sens, il était comme beaucoup d'entre nous, confronté aux mêmes questions sans réponses, aux mêmes culs-de-sac spirituels, aux mêmes angoisses. Et pourtant il continuait à essayer de comprendre, à avancer, à écrire -- il y avait quelque chose de rassurant, là-dedans, quelque chose qui donnait du courage et l'envie de continuer, de savoir qu'on était pas seuls, qu'il y avait des g***** qui s'entêtaient à chercher le bonheur et la sérénité. Mais vendredi dernier il a décidé de lancer la serviette, et c'est un peu de notre espoir qui s'éteint avec lui.
Le cliché, dans ces occasions, est de dire qu'heureusement, il nous reste ses livres. Alors voilà: heureusement, il nous reste ses livres. Son énorme roman, d'abord,
Infinite Jest, 1079 pages à couper le souffle. Mais, peut-être surtout, je continuerai à lire et à relire les nombreux essais qu'il a écrit, depuis une quinzaine d'années. Plusieurs ont été réunis en recueil, dans
A Supposedly Fun Thing I'll Never Do Again et
Consider The Lobster. Dans ce dernier livre, d'ailleurs, il y a un essai sur John McCain (
Up, Simba) qui devrait être une lecture obligatoire pour quiconque s'intéresse à l'actuelle campagne électorale américaine.
En 2005, il a prononcé le
commencement address aux finissants de Kenyon College. On peut
lire la transcription ici. Il y a un passage là-dedans que j'avais copié et qui est toujours là, collé près de mon bureau:
And the so-called real world will not discourage you from operating on your default settings, because the so-called real world of men and money and power hums merrily along in a pool of fear and anger and frustration and craving and worship of self. Our own present culture has harnessed these forces in ways that have yielded extraordinary wealth and comfort and personal freedom. The freedom all to be lords of our tiny skull-sized kingdoms, alone at the center of all creation. This kind of freedom has much to recommend it. But of course there are all different kinds of freedom, and the kind that is most precious you will not hear much talk about much in the great outside world of wanting and achieving and displaying. The really important kind of freedom involves attention and awareness and discipline, and being able truly to care about other people and to sacrifice for them over and over in myriad petty, unsexy ways every day.
That is real freedom. That is being educated, and understanding how to think. The alternative is unconsciousness, the default setting, the rat race, the constant gnawing sense of having had, and lost, some infinite thing.
***
Edit: Very Short List présente une entrevue donnée à Charlie Rose.
Les commentaires récents
9 896
Il y a souvent quelque chose de presque mystique, dans le fait d'être tombé sur un livre précis à un moment précis de notre vie.
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