Bon, bon, éloignons-nous un peu de toutes ces considérations socio-philosophiques, si vous le voulez bien, et reposons-nous quelques instants en abordant cette chose noble et belle sur laquelle s'est bâtie ma pseudo-carrière: les niaiseries (bon, j'écris ceci, et je suis déjà conscient que cette phrase va revenir me hanter un jour, mais assumons, et continuons).
Les niaiseries, donc. J'en ai écrit beaucoup, depuis 10 ans. Et j'ai aidé beaucoup de monde à en publier. J'en suis très fier, parce que ce sont de vraies niaiseries, assumées, pas, mettons, des niaiseries déguisées en éditoriaux se voulant intelligents et réfléchis. Des niaiseries pures, donc, comme il y a de l'héroïne pure et de la, euh, laine pure. Heureusement, cependant, une fois écrites, on les oublie rapidement, ces niaiseries. C'est peut-être une sorte de mécanisme de survie psychologique, je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, quand je retombe sur des niaiseries passées, je suis souvent fort surpris: j'avais complètement oublié l'existence de la niaiserie en question. Par exemple, j'avais complètement oublié que j'avais écrit cet essai sur la banalisation du mot pute, jusqu'à ce que Sophie Durocher me le rappelle en écrivant toutes sortes de nounouneries à son sujet, hier.
Bref, long préambule pour dire qu'une niaiserie est ressurgie de mon passé, aujourd'hui, lorsque j'ai reçu le courriel de quelqu'un (Dominic Poulin) me demandant l'autorisation d'utiliser un jeu absurde proposé dans P45 il y a cinq ans de cela. J'avais complètement oublié ce jeu, et même après être retourné dans mes archives, c'est encore très flou dans mon esprit -- qui avait eu cette idée? Je dirais Catherine Gravel, à cause de l'utilisation du mot «poumon» dans les explications, ou Gabrielle Lecomte, mais je ne sais plus.
Ah, mais mon correspondant, lui, n'avait pas oublié ce jeu. Il dit même y avoir joué abondamment avec ses amis, depuis cinq ans. En fait, et je cite, «ce jeu a un tel succès que nous aimerions le populariser et monter une soirée où le public sera appelé à y participer. Soirée qui sera mise en place et supervisée par notre compagnie théâtrale, Les Productions de la Pastèque Carrée». Incroyable, mais apparamment vrai.
À ce point-ci, beaucoup trop de paragraphes plus tard, je sais que vous mourrez d'envie de savoir en quoi il consiste, ce jeu. Eh bien il s'appelle POÈTE-1973 et, de toute évidence, c'est le jeu de l'avenir. Comment jouer, voulez-vous savoir avec trépignation? Suivez ces instructions faciles, telles que publiées dans la newsletter hebdomadaire de P45, en 2002.
«Avides de plaisirs futiles et de rires qui font mal à la face? Voici un jeu inventé pour vous par P45, de quoi meubler dignement un beau grand dimanche après-midi ou n'importe quel soir de semaine qui s'annonce plate :
POÈTE-1973
Ce jeux tout à fait nouveau et réjouissant, ne requérant que crayon, papier et un minimum de créativité, consiste à créer en un temps donné le plus minable poème sur un thème préétabli, et ceci à la manière d'un poète québécois de la décennie 70, et d'ensuite le réciter aux autres joueurs en se retenant de pisser dans nos culottes.
Voici quelques exemples pour vous aider à jouer à POÈTE-1973:
SEL
Poétesse de mon grand mardi matin de pied mouillé aux aurores
sois de joie faite de flocons en fleurs et de sel argenté grugeant tes
bottes d'impératrice des chants ambrés fuyant les steppes de
phosphore.
OUBLI
cru, de son chant et de sa chaire voilée
saignant des arbres démembrés de leur cantique mordoré
feignant l'immobile recrudescence
mourrant de s'éteindre
aux lucioles prémolaires
de l'oubli
fragmentaire
Vous comprenez? Maintenant, quelques trucs de pro pour être bon:
• Un mot en anglais bien souligné... bold... MAJUSCULE, ça a toujours un impact fou et ça donne une saveur de révolte très 70s.
• Jouer d'adjectifs inventés douteux, tels brunesque, arc-en-cielleux ou encore années-violonnantes, toujours gagnant.
•La ponctuation, les silences, les hésitation et exclamations et mots CRIÉS sont le poumon de cette poésie: usez-en pour créer la surprise et faire rire vos amis.
Ne boudez pas ce plaisant jeu: c'est facile, jouez juste une fois, vous allez être raqués le lendemain d'avoir trop ri, vous allez sourire tout seul dans l'autobus, come on... Vous n’en reviendrez pas de vos propres capacités à faire des phrases laides.
POÈTE-1973: Un jeu de poésie MODERNE™»
Arc-en-cielleux... Hahaha. À vos crayons, donc, jeunes poètes. Et je vous tiens au courant pour les détails sur la soirée de Dominic.
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9 896
Il y a souvent quelque chose de presque mystique, dans le fait d'être tombé sur un livre précis à un moment précis de notre vie.
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