La métaphore est éculée, mais elle demeure utile: notre corps est une machine, et plusieurs fois par jour cette machine doit être alimentée en carburant, à défaut de quoi c’est la panne.
Bien sûr, cette nécessité a ses charmes. Si on est le moindrement hédoniste, ce besoin permanent de manger représente (à condition qu’on en ait les moyens, il va sans dire) autant d’occasions de se faire plaisir et de passer du bon temps. La vie serait certainement plus triste, sans les délices de la nourriture.
Seulement voilà, peut-être aussi souvent qu’elle est une joie, la nourriture est aussi une corvée. Que ce soit pour la préparer, la payer ou tout simplement l’avaler, elle monopolise beaucoup de temps et d’énergie que nous pourrions consacrer à autre chose. Il y a donc une lassitude qui nous envahit parfois, à l’idée d’avoir à répéter encore une fois les mêmes gestes: réfléchir à ce qu’on veut manger, faire les courses, la préparation, manger, puis nettoyer tout ça, les chaudrons, la vaisselle, la graisse sur la cuisinière, les pelures de carottes par terre, la maudite petite peau collante logée dans le presse-ail. Et il faudra tout recommencer demain, et après-demain, et après-après-demain, jusqu’au jour de notre mort, ou en tout cas celui où nous serons suffisamment intubés pour être libérés de cette obligation.
Alors il y des jours où tout cela nous semble particulièrement pesant. Peut-être parce qu’on est fatigué, ou en vacances, ou en camping, et qu’à ce moment-là, on souhaiterait que notre machine corporelle soit munie d’une batterie autochargeante, ou d’un panneau solaire qui nous permettrait de nous passer de nourriture pendant quelques heures ou quelques jours. Oui, un organisme hybride nourriture-soleil, ou nourriture-eau, ou nourriture-musique: la planète ne s’en porterait que mieux, et nous aurions ainsi beaucoup plus de temps à consacrer aux choses importantes, comme lutter contre les inégalités sociales ou regarder des émissions de cuisine à la télé.
Nicolas Langelier
Paru dans La Presse, vendredi 22 février 2008
Les commentaires récents
9 896
Il y a souvent quelque chose de presque mystique, dans le fait d'être tombé sur un livre précis à un moment précis de notre vie.
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