En entreprise, la mode est aux spécialistes de la connaissance de soi. Ces Socrate hypermodernes réunissent les employés en petits groupes, le temps d'une journée ou deux de formation. L'objectif est apparemment d'accroître l'efficacité des équipes de travail. Avec une connaissance plus riche des forces et faiblesses de nos collègues, ainsi que de leur façon de penser et réagir, la cohésion devrait être à son meilleur, et la machine capitaliste pourra tourner à plein rendement. Dans les faits, cependant, les employés en ressortent d'habitude plus confus que jamais, et la seule chose qui s'en trouve enrichie est le compte bancaire du formateur.
Quel dommage! Tout cet argent et ce temps perdu à faire des tests psychométriques et de douteux exercices d'équipe, alors qu'il aurait été beaucoup plus simple (et bien moins coûteux) d'envoyer tout ce beau monde en camping.
Car s'il a ses charmes certains, le camping n'en est pas moins rempli de quantité d'irritants potentiels, de sources de discorde variées et de tentes qui coulent, de quoi révéler le meilleur (et la plupart du temps le pire) de l'être humain. Rien de tel pour évaluer notre capacité à résoudre des problèmes, par exemple, que l'assemblage d'un abri-cuisine au guide d'instruction rédigé par un logiciel de traduction chinois. Au cours de la nuit, des hurlements inquiétants (et très proches, non?) ont aussi le don de séparer les hommes des hommes-qui-ont-peur-des-bruits-dans-la-nuit. Même la simple corvée de vaisselle peut tout vous apprendre sur les gens que vous croyiez aimer.
En 1336, envisageant l'ascension du mont Ventoux, Pétrarque eut beaucoup de mal à choisir quelqu'un pour l'accompagner. En sagace humaniste, il savait que les défauts d'autrui «se tolèrent à la maison, mais, en voyage, ils deviennent beaucoup plus désagréables». Le camping n'ayant pas encore été inventé à l'aube de la Renaissance, Pétrarque ne nous a rien laissé sur l'âme humaine confrontée aux toiles qui prennent l'eau—mais on peut spéculer qu'il aurait choisi ses compagnons de tente avec la plus grande circonspection...
Présenté à l'émission La tête ailleurs, à la Première chaîne de Radio-Canada, le 12 septembre 2009.
La chronique s'écoute ici.
Tellement vrai. La derniere sortie en camping on a trouve "la van" completement enfonce dans la boue. Apres plusieurs stratageme pas tres reussis, on a capitule pour la bonne vieille methode "1-2-3 on pousse". Un succes!
Rédigé par : Kay | 30 septembre 2009 à 11:04