Chaque époque a son caractère propre, résultat de l’influence combinée de facteurs aussi disparates que la situation économique, les conditions politiques, les développements techniques ou les goûts particuliers de la grosse vedette de l’heure. Consciemment ou non, nous sommes influencés par cette humeur-là––elle affecte notre attitude et notre façon de penser, nos gestes et nos décisions.
Il y aurait beaucoup à dire sur l’esprit de notre époque, mais il y a une chose en particulier qui saute aux yeux: l’excentricité n’est pas à la mode. Ça n’a pas toujours été le cas, bien sûr; il y a eu des périodes, dans l’Histoire, où c’était une qualité appréciée, et même encouragée. Mais depuis peut-être la deuxième moitié des années 1980, nous voyons d’un mauvais oeil les vêtements trop extravagants, les comportements trop fantasques, les choix de vie trop originaux. Nos audaces sont rares et nos partys sont plates. Il est quand même déconcertant, par exemple, que les jeunes de la rue d’aujourd’hui adoptent les mêmes codes et styles vestimentaires que deux générations de punks avant eux. Ça en dit long sur notre époque, que les plus marginaux d’entre nous soient aussi anticonformistes que le Lavalois moyen.
Donner une explication à ces presque 25 années de sobriété et de conformisme n’est pas évident, surtout avec les 64 mots qu’il me reste en banque. Mais peut-être qu’un élément de réponse se trouve dans la définition même d’excentricité: «Manière d’être d’une personne qui s’écarte des usages reçus». Quand, à une époque donnée, il ne semble plus y en avoir, d’usage reçu, quand tout est permis et que le marginal est la norme, est-il tentant, voire même possible, d’être excentrique? Poser la question, c’est sans doute un peu y répondre.
Nicolas Langelier
Paru dans La Presse, vendredi 18 avril 2008
100%
Rédigé par : marie | 18 avril 2008 à 11:25
Juste une note un peu discordante...
J'ai des ados - pas trop révoltés - mais qui aiment bien le snowboard... Alors oui, ils ont les culottes basses et même en janvier... (ce qui est tout de même remarquable en tenant compte du facteur vent et de l'exposition de la "craque au froid"...)
Et voir les adultes les regarder d'un air frisant le dédain est toujours tellement plaisant... Alors est-ce un autre signe de ton inéluctable vieillissement Nicolas? :)
Rédigé par : sylvaina | 19 avril 2008 à 09:49
Ouin, c'est certain qu'après cinq décennies de contestation, il est difficile de choquer, de sortir de la norme de façon si évidente et si détonnante que notre entourage se hérisse. Mais si on se force vraiment, je suis persuadée qu'on y arrivera et qu'on sera excentriques, soit à l'extérieur de ce centre toujours plus large.[Vite comme cela ça a l'air compliqué, mais il suffit de faire un plan et d'identifier clairement le centre dessus]
Rédigé par : Nadia | 20 avril 2008 à 01:30
Ouin, c'est certain qu'après cinq décennies de contestation, il est difficile de choquer, de sortir de la norme de façon si évidente et si détonnante que notre entourage se hérisse. Mais si on se force vraiment, je suis persuadée qu'on y arrivera et qu'on sera excentriques, soit à l'extérieur de ce centre toujours plus large.[Vite comme cela ça a l'air compliqué, mais il suffit de faire un plan et d'identifier clairement le centre dessus]
Rédigé par : Nadia | 20 avril 2008 à 01:39
Je ne suis pas d'accord avec le fait que l'excentricité n'est plus à la mode. Au contraire, à mon avis chaque personne exprime son individualité par ses propres excentricités, qu'elles soient petites ou grandes, apparentes ou non. S'agit de les détecter.
Rédigé par : atomicjonas | 29 avril 2008 à 02:05
Tout à fait d'accord.
Quand l'un de nos rebelles préférés se fait récupérer par son propre succès médiatique du dimanche soir, ca donne le ton.
D'ailleurs quand on additionne les cotes d'écoutes de TLMP et du Banquier pour constater que la moiter du Québec et son voisin d'en face font la même chose à la même heure... Mettons que ça donne pas grand chance à l'excentricité de s'épanouir.
Rédigé par : Maxime | 18 juin 2008 à 11:26
Si l'excentricité n'est plus à la mode alors la mode elle-même n'existe plus! Qu'est-ce que la mode sinon un mouvement de renouveau, de transformation, un processus discordant pour tendre vers autre chose?
Le fait est que l'homme est un animal social qui recherche un certain nombre de points communs, mais reste qu'il se plaît aussi à se vautrer dans son individualité pour sentir qu'il est autre et qu'il peut revendiquer son droit à la différence.
Je ne crois pas que l'excentricité est passée de mode, je pense plutôt que le poids du raisonnable, du bien vu et mieux-vivre ensemble ont tout simplement endormis l'aptitude naturelle à l'anticonformisme. À une époque où on montre tout, que les concepts même les plus crus sont placardés sans véritable nuance et sans grande pudeur, il n'y a jamais autant eu de malaise d'expression.
On nous parle de repli, de profonde crise identitaire et d'une certaine forme d'aseptisation sociale... À trop vouloir entrer dans le moule pour éviter le stigmate du marginal, il appert que l'excentricité a été comprimée. Non pas absente... Pas une question de mode. Plutôt une question de censure poussée à l'extrême... L'excentricité se vit aujourd'hui ailleurs que dans le "main stream" où on l'ignore poliment.
Mais par ailleurs, des excentriques publics et notoires qui se montrent, il en reste... Ils sont simplement plus subtils ou plus nombreux à avoir compris qu'"Ecrire, c'est le bonheur de tourner le dos à la société." comme le disait Jacques-Pierre Amette.
Rédigé par : Lise | 08 juillet 2008 à 22:11