De plus fins esprits pourraient mieux que moi expliquer comment nous en sommes arrivés à ceci, cette quête de tous les instants, ce monde obsédé par le bonheur: comment l’atteindre, comment le maintenir, comment le rendre encore plus plus plus fort, comment le trouver dans le travail, la famille, les loisirs, une meilleure attitude. Inlassablement, nous cherchons des recettes dans la philosophie et la pop-psychologie, dans la spiritualité et les médicaments, dans les livres et l’alimentation, dans la consommation et les sites de rencontres. Et dire que les développements technologiques nous permettent maintenant d’aller traquer les secrets du bonheur jusque dans nos gènes et nos synapses––jusqu’où ces recherches nous mèneront-elles? (À la découverte du gène du bonheur, sans doute, et aux possibilités marchandes en découlant.)
La triste ironie, bien sûr, c’est que pour une époque aussi à la recherche de son bonheur, nos résultats sont plutôt médiocres. Les signes d’un mal-être généralisé sont là, partout autour de nous, dans les conversations de nos amis, dans les statistiques sur le suicide, dans l’usage croissant des antidépresseurs, dans la multitude de reportages et d’essais révélant notre malaise collectif, individuel, civilisationnel. Comment, d’ailleurs, interpréter notre obsession pour le bonheur autrement que par un terrible constat d’échec quant à notre habileté à l’atteindre?
La question s’impose donc: et si notre problème n’était qu’une simple question d’attentes trop grandes? Et si nous le désirions tellement, ce bonheur, si nous l’attendions avec tellement d’impatience que lorsqu’il se présentait à nous, nous ne pouvions faire autrement qu’être déçus, tel un enfant qui aurait souhaité un poney pour Noël mais se retrouverait devant un dictionnaire?
Ou peut-être que nous ne cherchons juste pas à la bonne place? Voilà qui serait fâchant. Imaginez le scandale si, contre toute attente, le bonheur ne se trouvait pas dans une plus grosse télé ou de meilleures érections… Il faudrait exiger un remboursement, ou quelque chose.
Nicolas Langelier
Paru dans La Presse, vendredi 29 février 2008
Je vous suggère la lecture de "l'Euphorie perpétuelle" de Pascal Bruckner.
Rédigé par : Simon | 29 février 2008 à 10:15
je veux pas que ça arrête !
Rédigé par : math | 03 mars 2008 à 15:14
Et si le bonheur était toujours en avant, constamment à atteindre.
Le bonheur se résumerait alors dans une quête incessante d'un plus qui peut devenir possible, d'un meilleur qui se projete dans l'horizon.
Là où le bonheur est court-circuiter c'est que, bien souvent, on nous fait miroiter que nous l'avons déjà ou pouvons l'obtenir en acquérant un quelconque objet ou une quelconque promotion. Force est de constater que le bonheur se cherche bien au-delà de ses acquisitions souvent superficielles.
Rédigé par : Luc Chulak | 31 mars 2008 à 10:22