On ne compte plus les études rapportant une baisse marquée des habitudes de lecture. D’innombrables commentateurs en ont fait le sujet de leurs chroniques, y voyant le signe annonciateur d’un effondrement intellectuel et moral de notre civilisation. Les gouvernements mettent sur pied des programmes pour contrer le phénomène, ou songent à le faire. C’est devenu un lieu commun: les gens lisent de moins en moins. Et si vous remplacez «gens» par «jeunes», vous avez là une Vérité Incontestable.
Tout cela est dramatique, bien sûr. Ou le serait, plutôt, si c’était vrai. Parce qu’en réalité, nous lisons plus que jamais. Nous lisons un peu moins de livres qu’il y a 20 ans, d’accord, et un peu moins de journaux et de magazines imprimés, mais ces baisses sont largement compensées par tout ce que nous lisons sur l’internet : articles journalistiques, blogues, courriels, entrées encyclopédiques, rapports, etc. Et c’est sans parler de nos téléphones, et des quotidiens gratuits, et de tout le reste. Nous passons nos journées à lire. Jamais, dans toute l’histoire de l’humanité, autant de gens n’ont lu autant (et autant écrit, inévitablement). Loin de marquer une crise de la lecture, ce début de 21e siècle s’avère plutôt son âge d’or.
C’est pour le moins paradoxal, donc, cette panique morale à propos d’un déclin de la lecture qui, dans les faits, n’existe pas. Paradoxal, mais pas étonnant––une preuve supplémentaire de notre propension collective à rechercher et à nourrir des angoisses à propos d’une fin imminente de la civilisation telle que nous l’avons connue jusqu’à maintenant. Il n’est pas inutile, ici, de rappeler qu’au 19e siècle, de nombreux médecins et «spécialistes» mettaient en garde la population contre les périls moraux et sociaux liés à la popularité grandissante de la lecture…
Nicolas Langelier
Paru dans La Presse, vendredi 15 février 2008
Les commentaires récents
9 896
Il y a souvent quelque chose de presque mystique, dans le fait d'être tombé sur un livre précis à un moment précis de notre vie.
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