Avez-vous une vieille tante, un parent, un professeur qui, à tout moment, en guise de réponse ou de conseil, vous sort un proverbe du genre «Qui a bu boira»? Si oui, chérissez cette personne, plutôt que de lever les yeux au ciel à chaque fois. Parce qu’elle est un témoin du passé, une relique d’une époque qui sera bientôt révolue, comme un site archéologique ou un moulin seigneurial. Dans 15 ou 20 ans, plus personne ne saura comment on devient forgeron (en forgeant), ou combien d’hommes vaut un homme averti (deux).
Pendant des millénaires, et jusqu’à tout récemment, c’est beaucoup à travers les proverbes que les sociétés transmettaient leur savoir, leur culture, leurs codes moraux. Faciles à retenir et à énoncer, passées de génération en génération, ces petites perles de sagesse constituaient une bonne partie de l’éducation populaire, avec la religion et les contes. Mais cette ère tire à sa fin.
À cause de la télévision, bien sûr, et d’Internet, et de la pédagogie contemporaine. À cause de la modernité en général, en fait, qui a instillé en nous l’impression que tout avait changé, et que tout continuerait à changer de plus en plus vite, et que le bon sens ancestral n’était donc plus pertinent à notre quotidien. Et c’est vrai qu’il y a quelque chose d’éminemment non moderne dans les proverbes, quelque chose qui fait que vous vous sentiriez un peu ridicule, lors d’un 5 à 7 dans un bar du Mile End, de lancer «Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée».
Cela dit, que penser d’un monde où la sagesse immémoriale des proverbes est peu à peu remplacée par celle des chroniqueurs médiatiques et des émissions de téléréalité? Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse, comme on dit…
Nicolas Langelier
Paru dans La Presse, vendredi 12 octobre 2007
Tout à fait. Vous, chroniqueurs, nous enlevez les proverbes de la bouche, c'est le cas de le dire.
Rédigé par : Étienne Ferron-Forget | 12 octobre 2007 à 14:32
Je suis à Paris depuis plus d'un mois, et personne ne m'a encore dit : "Avec des "si", on mettrait Paris en bouteille."
Par contre, j'ai entendu : "Si ma tante en avait, on l'appellerait mon oncle."
C'est beaucoup mieux.^^
Rédigé par : Marco | 12 octobre 2007 à 16:06
"Les chiens aboient, la caravane passe..." ils reviendront bien à la mode un jour ces jolis proverbes, quand nous serons fatigués des slogans publicitaires à la tivi ou à la radio, car "tout passe, tout lasse".
Ni "ma tante" (ou peut-être si?) ni prof, ils font depuis toujours partie de ma vie pour leurs petites vérités dites en quelques mots bien pensés...
Rédigé par : En direct des îles | 18 octobre 2007 à 05:42