Il y a quelques années, j’avais développé une sorte de béguin pour une journaliste que je n’avais jamais rencontrée et dont je n’avais même jamais vu une photo. Était-ce à cause de son talent pour les mots, la grammaire, l’ironie? De son utilisation débridée des parenthèses? Ou n’était-ce qu’une autre lamentable conséquence de la surabondance de temps libres dont je disposais à cette époque? Quoi qu’il en soit, je lui avais écrit, à cette journaliste étrangère et inconnue et peut-être même horriblement défigurée, juste comme ça, pour l’informer de mon espèce de… de… d’attirance pour elle, à défaut d’un meilleur mot. Et elle m’avait répondu cette phrase qui, traduite, constitue la Chose vraie numéro 9926: «Writing crushes are the best, purest kind».
Parce que c’est tout à fait exact, bien sûr. L’attraction basée sur les mots écrits est la forme de béguin qui est au-dessus de toutes les autres, en termes de pureté. Que l’objet de votre intérêt soit un auteur reconnu ou un simple correspondant, un scénariste primé ou un blogueur, un clavardeur ou même (Dieu vous en préserve) un journaliste, le résultat est le même: votre passion serait plus noble, plus vraie, plus durable que si elle était fondée sur des choses aussi plates et vulgaires que la perfection de sa silhouette, son ambition inspirante ou ce mélange de tendresse et d’implacabilité dans son regard.
Tomber en amour avec les mots de quelqu’un, c’est tomber en amour avec son âme. Alors que tomber en amour avec sa façon de danser, disons, c’est se mettre à la merci d’un peu d’arthrite. L’amour par les mots est l’amour le plus profond, parce qu’il n’est pas affecté par ces considérations superficielles que sont l’apparence physique, l’argent ou les goûts vestimentaires; ne comptent que l’esprit, la culture et l’art d’introduire des propositions participiales.
Cela dit, l’objet de mon amour textuel m’avait répondu qu’elle, elle avait un kick sur Johnny Depp. Comme quoi c’est bien pour dire.
Paru dans La Presse, mardi 1er mai 2007
Ahahah!
Rédigé par : Martin | 01 mai 2007 à 11:11
Trop vrai.
Rédigé par : Max | 01 mai 2007 à 12:01
Avec ce texte personnel, bien tourné, agréable, voire printannier, tu vas sûrement t'attirer une grosse vague de béguins nobles et purs!
Ceci dit, je ne suis pas sûre qu'il y ait un lien si évident entre les mots et l'âme. Il y a plein de gens qui se filtrent, se mettent en scène, se retrouvent captifs d'un style ou jettent de la poudre aux yeux juste pour le fun.
Rédigé par : Ironica | 01 mai 2007 à 13:59
Pas besoin de ce texte printanier pour provoquer un Tsunami de béguins... J'ai eu le mien pour le journaliste indépendant a cause de sa voix!
Heureusement qu'il était cute, parce qu'il a fait le saut télévisuel depuis.
Rédigé par : Un autre max | 01 mai 2007 à 14:27
J'approuve à 100%!
Rédigé par : jn | 01 mai 2007 à 14:41
Oui, oui, oui (rires) et oui! Tellement! Ça m'a attiré des tas d'ennuis! Mais comme disait ma spanish mémé; "les hommes ma petite fille, c'est un problème, mais c'est un beau problème".
Longue vie aux crush littéraires!
Rédigé par : chroniques blondes | 01 mai 2007 à 16:58
À cet effet, la pièce "Variations Énigmatiques" de Eric-Emmanuel Schmidt est très pertinente. (Il arrive toujours à être pertinent celui-là...)
Rédigé par : Philippe-A. | 01 mai 2007 à 18:25
Mais l'écriture, parce qu'elle nous semble si près de l'âme et de la vérité, parce qu'elle nous inspire une telle confiance, devient finalement la plus superficielle de toutes les formes de manipulation et de séduction. Triste paradoxe.
Rédigé par : | 02 mai 2007 à 08:53
Tellement vrai, tellement beau mais parfois très dangereux...;) Bravo pour ce texte Nicolas !
Rédigé par : Cecile G | 02 mai 2007 à 14:03
Vous m'enlevez les mots de la bouche.
Rédigé par : Pascal | 03 mai 2007 à 06:50
Ça explique, entre autres, le succès re Réseau Patate et compagnie. Mais la réalité court toujours plus vite que la poésie...
Rédigé par : Patrick Dion | 03 mai 2007 à 10:57
Nicolas je t'aime. avec ou sans chemise à carreaux, je t'aime pour tes mots ;)
Rédigé par : Andrée-Anne | 04 mai 2007 à 09:49
C'est fou, mais tellement vrai. Et d'avoir eu l'audace de lui écrire pour lui dire, je te dis bravo. Avouons-le, ce n'est pas facile à admettre ce genre de béguin.
Rédigé par : DaisyB | 06 mai 2007 à 15:19
Je croyais être la seule assez étrange pour avoir des coups de foudre de la sorte...moi j'ai un "béguin textuel" pour Aleksi Lepage..... lol en tout cas je ne suis pas assez audacieuse pour lui écrire, moi...
Rédigé par : Stephanie | 07 mai 2007 à 23:42
Et pourtant, dans la littérature, il est souvent question du coup de foudre pour une personne qu'on ne voit qu'une fois et qui est parfois même presque déifiée...Jusqu'à ce qu'on apprenne à la connaître. D'ailleurs, on souhaite souvent qu'elle reste anonyme pour préserver le charme.
Mais il y a bel et bien des gens qui tombent amoureux par correspondance...;)
Rédigé par : Stéphanie | 09 mai 2007 à 10:26
C'est drôle pour moi de lire ce billet pcq j'ai toujours eu bcp de plaisir à lire vos chroniques, M. Langelier... J'avoue même en avoir découpée une qui est encore affichée sur la porte de mon frigo! Je ne suis pas certaine que j'appellerais ça un "crush" mais je me suis souvent fait la réflexion que l'auteur de ces textes devait être un mec à l'esprit vif et franchement rigolo. Bon voilà, c'est vrai que ça fait du bien de l'avouer! ;)
Rédigé par : | 18 mai 2007 à 15:49